mardi 6 avril 2010

La science infuse



(et moi je bous...)

Vendredi soir, hôpital, crise d'asthme en pleine giboulée, arrivée 21 heures pile aux urgences.
Malo sera ausculté. A 23 heures... heureusement pour nous, pour eux, nous avions déjà mis en place le protocole préconisé par notre pneumologue.
N'empêche, deux longues heures d'attente, avec juste en guise de sécurité, la prise de tension et de saturation (taux d'oxygène dans le sang). Très bien. Malo a cette chance extraordinaire, lorsqu'il fait une crise d'asthme : sa saturation reste plutôt "bonne".
Pour le personnel soignant c'est satisfaisant. Pour Malo ça n'est pas une indication qu'il "respire bien", je parle juste fonctionnellement, physiquement. Il est 23 heures, il est fatigué mais on joue des parties de bataouaf au milieu du service d'urgences pédiatriques, avec des infirmières gentilles mais absolument débordées par les événements ce soir-là.

Arrive un interne secoué par une réanimation, encore ému, d'une gentillesse à toute épreuve, qui ne m'écoute pourtant pas. Je demande un aérosol pour mon petit garçon, juste pour l'aider à dégager ces saletés de bronches. Il me demande si Malo siffle, comment j'ai détecté son asthme - je ne suis pas trop "débutante" en la matière malheureusement ou heureusement donc ça va, je parviens à identifier son asthme lorsque la crise survient, et même avant.

Eh bien oui, au risque d'une redite, au risque de paraître arrogante, pleine d'un savoir que je n'aurais pas parce que je n'ai pas passé 15 ans en médecine, oui je sais quand mon enfant va mal, oui je sais ce qui lui convient le mieux, oui je connais les traitements, oui je connais cette maladie et non je n'ai pas envie de subir le savoir méprisant de la médecine, je veux juste que mon enfant aille mieux et je me suis rendue compte à mes dépens que je suis la plus compétente dans certaines situations.

Cette situation était de celles-ci...

Nous sommes rentrés à minuit à la maison, fatigués, trempés de cette pluie diluvienne qui s'est abattue sur nous, après avoir essuyé l'obscurité devant l'hôpital, avoir failli tomber dans la boue parce qu'on n'y voyait rien.

Nous sommes rentrés sans prescription médicale.
Malo n'aura pas eu son aérosol, et donc continuera à mal respirer pendant trois jours... il a refait une crise aujourd'hui.
Nous n'aurons même pas vu le pédiatre (celui qui a interdit l'aérosol par téléphone à l'interne).

Pire, le protocole mis en place par le pneumologue va être balayé : je pensais reprendre le célestène le lendemain, ainsi que la ventoline etc. la réponse du pédiatre invisible : rentrez chez vous ma bonne dame, donnez-lui ses deux bouffées de ventoline ce soir et basta !

Trois heures tout ça pour ça ? Je ne sais pas si je dois être furieuse ou consternée. Au fond les deux me vont bien !

Bien entendu nous n'avons pas écouté les conseils de madame ou monsieur le pédiatre invisible (ICI LA VOIX !) qui depuis sa boule de cristal m'a donné un diagnostic ainsi que des conseils avisés (ah ça c'est du télétravail !). Heureusement.

Vivre avec un enfant malade, c'est vivre avec sa colère rentrée comme un serpent venimeux, c'est vivre dans la survie en permanence, c'est sur vivre tout de crainte que, c'est en mettre sous ses pieds dans un environnement médical parfois méprisant ou si sûr de lui qu'on est sur le fil. Et moi je refuse de mettre Malo sur le fil, je refuse cela.

Vivre avec un enfant malade c'est aussi vivre avec la trouille comme une ombre, c'est anticiper absolument tout, ne pas laisser de place au hasard, c'est être super parfaite dans toute l'imperfection touchante des parents, maman ou papa, c'est la même chose.

C'est aussi ravaler des tas de choses et des larmes avec lorsqu'ils sont au plus mal et ils le sont parfois.

Vivre avec un enfant malade c'est sur jouer l'espoir : dire même lorsque le pire est là, que les beaux jours ne sont pas loin, c'est le porter toujours vers un monde meilleur pour lui, imaginer aussi une vie sans cette maladie, ça semble si absurde, si inconcevable au bout d'un instant. On dirait parfois que la maladie et l'enfant font corps, un peu comme un sale parasite. Etre parent d'un enfant malade c'est lutter contre cela, cette étiquette dont Jacinthe a parlé l'autre jour sur les fratries.

Vivre avec un enfant malade c'est lui dire toujours l'espoir de guérison qu'on met en lui, c'est parfois croire en des choses absurdes, imaginaires, des choses comme dans Un long dimanche de fiançailles : si je saute au-dessus de la flaque d'eau alors il guérit, si je mets les pieds dedans alors voilà... c'est un peu reprendre la fragilité de l'enfance quand on demande de la force pour deux.

Vivre avec un enfant malade c'est promener une fatigue immense, intense, un stress permanent qu'on ne peut pas dire de peur de passer pour un(e) névrosé(e) "Madame je pense que vous supportez mal la maladie de votre fils, je vous propose un rendez-vous avec un psychologue" (sic). Qui supporte cela ?...

Vivre avec un enfant malade c'est vivre avec l'impuissant sentiment d'injustice. Voir un enfant souffrir est un drôle de "spectacle", voir son enfant souffrir et ne pas pouvoir le soulager est un spectacle parfois destructeur.

Une mère lorsqu'elle met un enfant au monde voudrait pour lui justement le meilleur des mondes. L'amour et la protection sont des sentiments primordiaux. On dirait parfois - sans faire de psychologie de prisunic - qu'un enfant malade renvoie malgré lui sa mère dans l'imperfection, l'incapacité. La médecine là aussi vient parfois remettre sa couche de culpabilité, avec force études, certitudes et vérités absolues.

Vivre avec un enfant malade c'est parfois entendre les pires horreur. Et se taire pour ne rien envenimer.

Parce que vivre avec un enfant malade, c'est aussi surveiller son langage, choisir et peser ses mots, ce que ne font pas toujours les professionnels "ben didon, t'as une sale peau !" (re sic).

Mais vivre avec un enfant malade pour nous tous, ces parents dont le quotidien est ouvertement fragile, c'est d'abord vivre avec notre enfant et l'amour qu'on lui donne et l'espoir que met tout parent en son enfant, l'insouciance aussi de tout parent, l'imperfection oui, l'attente, la curiosité, la joie qu'apporte un enfant, l'apprentissage de la vie avec et par lui, c'est grandir en même temps, un peu plus prudemment, mais c'est grandir tout de même.

On prend de belles leçons de vie avec un enfant malade.

Malo en réanimation s'est réveillé l'espace de quelques secondes, m'a regardée intensément et m'a dit "j'ai sommeil, maman".


Anne

7 commentaires:

  1. Bon courage et bon rétablissement !

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  2. Merci beaucoup Isabelle. C'est ce sale temps, la fatigue, les pollens et puis quoi encore euh... etc. etc. etc.

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  3. Bonjour,

    je vous envoie tout mon soutien
    Sophie
    (du blog eczéma et allergies)

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  4. je n'ai plus l'impression d'être seule face à l'adversité, je vis la même chose avec ma camille petite fille de 6 ans et demi. En ce moment, je me bats pour accompagner ma fille aux voyages scolaires. Eh oui, il parait qu'il faut prendre du champ mais quand on sait ce que l'on vit au quotidien, on a cette peur qui nous tenaille continuellement...

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  5. Bonjour

    Et oui tu verras. Tu ne seras plus jamais seule avec le Petit Hérisson Bleu. A quoi est allergique ta fille ? Ou elle est peut-être asthmatique ?

    Si je comprends, ils refusent que tu l'accompagnes à un voyage scolaire ? Ca devrait pourtant les soulager de savoir que tu es là non ?

    Bonne chance.

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  6. Ma fille est allergique à beaucoup d'aliments tels que le boeuf, l'oeuf, les fruits à coques, le lait, le soja, les légumineuses et les fruits exotiques...et elle est asthmatique...mais à l'école, ils saveut eux gérer tout...alors que moi quelquefois, je patouille...M'enfin, il faut savoir être patiente et je ne le suis pas en ce moment...Je pense que je gêne lors des voyages scolaires. Y a des mamans plus faciles à driver que moi...

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  7. C'est sûr que l'on ne peut pas être au top tout le temps. Ces maladies nous en demandent tellement.

    J'ai connu un couple qui a suivi de loin leur fille durant un voyage scolaire. Ils dormaient à proximité en ayant loué un hébergement pas loin de là où dormait leur fille et suivait aussi le car à chaque déplacement. Les accompagants avaient été informés que s'ils avaient besoin de l'intervention des parents, ils ne seraient pas loin.

    C'est quoi en fait ce voyage scolaire ? C'est loin de chez toi ? Ca dure combien de temps ?

    Nous sommes plusieurs parents dans l'assoc à avoir des enfants multi allergique alimentaire, respiratoire, asthmatique et eczémateux. Nous partageons donc notre expérience, bonne ou mauvaise, en fonction de l'évolution de la maladie. Chaque jour est différent et on ne sait jamais de quoi sera fait le lendemain. Ne pas trop prévoir à l'avance car il suffit qu'un allergène passe par là et hop, badaboum. Ca fout tout en l'air. Puis ça va mieux et on continue à vivre en attendant la prochaine alerte. Il faut bien accepter cette vie là car ça va durer un sacré bout de temps.

    Allez, bon courage et à bientôt.

    Isabelle

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