mercredi 2 février 2011

Alter ego

Pas vraiment les mêmes, pas tout à fait autres
Lorsqu'on attend un enfant, on espère qu'il ait une destinée qui ne soit pas fade, une destinée qui soit douce, emplie d'amour, une vie à l'abri des bombes et du mépris, des sombres douleurs, de l'horreur parfois humaine... C'est un voeux secret et personnel, qui transite par le sang et que l'on reformule peut-être au moment où l'on nous pose le petit gluant au creux des bras. J'aimerais tant que tu...
Secrètement aussi, on sait qu'il sera différent. Il ne ressemblera pas vraiment à sa soeur ni à son père, sera génétiquement unique, et sera donc autre. Et c'est une belle chose cette singularité, comme la garantie de son intégrité, de son indépendance, à l'origine tout cela a le goût de ceci.
Et lorsque ce petit être grandit avec dans le corps une déficience qui le plonge inexorablement vers la différence, cette singularité là devient un poids immense.
Et alors toute une vie va se construire sous l'auspice de cette singularité dans une tension permanente vers la masse : ressembler aux autres, faire "comme les autres" vont devenir des expressions récurrentes. Faire son anniversaire comme les autres, voyager, comme les autres, respirer et courir comme les autres, tendre infiniment avec une énergie dévorante vers tout ce qu'il est possible de faire et parfois en mieux, en plus fort, aussi.
S'ingénier à faire un gâteau sans blé sans oeuf sans lait pour l'anniversaire, comme les autres, faire des crêpes le jour de la chandeleur, comme les autres, avoir des bonbons et des billes plein les poches, comme les autres.
Pour tous ces autres aucun effort, aucune tension dans ces situations, on se demande même s'ils se rendent compte, qu'ils font un anniversaire, qu'ils courent, qu'ils respirent, qu'ils voyagent.
Une vie à tenter de coller à tous ces autres comme une ombre, pour gommer cette différence à tout prix et vivre dans... l'insertion ? Enfin sans exclusion.
Le savent-ils eux, qu'ils vivent dans l'insertion, ordinairement, sans en avoir l'air, quand nous tentons de lutter contre l'exclusion ?
C'est étrange et amer : nos enfants sont différents, la société les pousse à ne pas l'être et à gommer cela parfois à leurs dépens (accepter une confiserie pour ne pas faire l'objet de railleries par exemple, juste pour être pareil).
Et pourtant ce monde dans lequel nous vivons est constitué d'autant d'individus qu'il y a d'hommes. 
Parfois je me dis que ces différences que nous tentons de gommer ou masquer et contre lesquelles nous luttons silencieusement tous les jours, les autres aussi le font. Pour d'autres raisons peut-être tout aussi vitales.
Il vaut peut-être mieux passer inaperçu, se fondre dans la masse, c'est sans doute beaucoup moins risqué, être soi-même, pas vraiment un autre et le même tout autant, simultanément.

4 commentaires:

  1. Bonjour, Bravo pour cet article qui est universel à tous les enfants qui sont differents d'une maniere ou d'une autre.

    RépondreSupprimer
  2. Enfants...ou adultes !
    On en est au même point ;-) Nous aussi on voudrait accepter une invitation sans réfléchir, partir avec le sac à dos sur un coup de tête...et ne pas priver son conjoint de cette liberté ni lui imposer tant de tracas.
    Mais TOUT cela fait aussi de nous ce que nous sommes ;-)

    RépondreSupprimer
  3. des effort.. oui, mais des victoires et des défis relevés aussi !!!
    Je me pose une question, quand on a pas a reflechir, ni a faire d'efforts, c'est certes très agréable mais apprécie t'on autant toutes ces choses de la vie ?

    RépondreSupprimer
  4. Oui Sophie, c'est vrai c'est valable aussi, pour tous les enfants différents...
    Elise : tu me fais rêver... avant avec Lorynn (alias Lili aussi), je la posais sur la table du salon, assise sur la carte de France et je lui disais : bon, là, les montagnes, et lààààààà, LA MEEEEEEER (genre, n'influençons rien... ^^). Bon... on part où demain ?!!!! et elle mettait son ptit doigt de 3 ou 4 ans quelque part et tu sais quoi ? Hop ! on faisait les bagages et CIAO TOUT LE MOOOOOONDE !!! Cette vie là me paraît si lointaine...
    En même temps, tu as raison : je ne le regrette pas vraiment. Ces contraintes font partie de Malo, du coup, nous vivons juste notre vie différemment de "avant". Il y a un "avant" Malo et un "après" Malo. Mais au fond, c'est comme pour tout !!
    Mais oui, des efforts et des défis tous les jours... tiens, l'autre jour : manger des petits pois pour la première fois... pas simple hein quand on se méfie de tout parce que ça fait si mal quand on réagit, ça fait si peur et ça dure si longtemps les effets secondaires, bien trop longtemps...
    Lorsque tout est facile, alors peut-être que l'on apprécie moins c'est vrai...

    RépondreSupprimer

Vos ptites causeries c'est par là...

Related Posts with Thumbnails